En Bolivie

Mercredi 3 avril, au matin, nous allons à La Quiaca. Nous tentons, comme prévu, de changer un peu d'argent avant de passer la frontière mais la banque ne délivre pas de bolivianos! Nous n'avons d'autre choix que de passer la frontière et de voir comment en obtenir de l'autre côté. A la douane, côté argentin, les formalités de sortie sont rapidement exécutées autant pour nous que pour Lucy mais on nous fait poireauter du côté bolivien. Il faudra près d'une heure pour que les papiers soient faits. Et c'est l'entrée en Bolivie par le pont qui sépare La Quiaca de Villazon.

Malgré le fait que l'Argentine du nord soit plus pauvre que le sud, le changement est flagrant. Le système-D est beaucoup plus présent, les rues sont encombrées de gens vendant de tout alors que de l'autre côté du pont, il y avait encore des magasins. Nous allons à la banque. Ils ne changent pas de pesos argentins ni chiliens mais seulement des dollars! Ils nous disent d'aller aux "casas de cambio" (bureaux de change). Nous tentons notre chance mais nous rendons rapidement compte qu'une mafia règne, tous les bureaux pratiquent le même taux dérisoire, ils achètent les pesos argentins à la moitié de leur valeur! Nous n'y changeons donc rien et retirons des bolivianos au distributeur.

Une fois les sous en poche, nous allons à la station faire le plein mais, surprise, le prix de l'essence est près de trois fois plus cher pour les étrangers (9.56 au lieu de 3.72, sachant que 1CHF ≈ 7bol). On nous indique qu'apparemment ces tarifs ne se pratiquent qu'à la frontière et décidons alors d'aller faire le plein à la ville suivante sur notre trajet, Tupiza. A la sortie de Villazon, nous expérimentons les péages boliviens. Dans une petite cahute, il faut indiquer sa destination (la plus proche) et payer en conséquence. Le problème est que la donzelle n'a pas la monnaie sur cent (3 bol à payer). Il faut aller faire la monnaie chez le policier en face, auquel il faut de toute façon présenter les papiers d'importation du véhicule reçus à la douane. Une fois les informations nous concernant reportées scrupuleusement à la main dans un petit cahier et la monnaie faite, nous pouvons payer le péage et poursuivre notre chemin. Un peu plus loin, ce sont des militaires à un barrage qui font des contrôles narcotiques. Nous leur montrons les copies des passeports et ils nous laissent passer. Peu après, nous voyons les premiers lamas boliviens.


Lamas

Arrivés à Tupiza, nous tentons de faire le plein. A la première station, ils nous disent qu'ils n'ont pas le droit de servir des étrangers. A la seconde, la pompiste ne veut d'abord pas nous faire le prix normal puis, après lui avoir demandé où était la prochaine pompe et dit qu'on ne prenait que 10 litres, elle propose de nous faire pour 50 bol au prix normal. Quand elle est en train de remplir, nous lui disons de continuer et elle accepte. Nous repartons avec le réservoir quasiment plein direction Atocha et sa pompe où on devrait nous faire le prix normal. A la sortie de Tupiza, rebelotte avec un péage puis recontrôle de militaires qui nous font signe de passer. Alors nous nous engageons sur la route (goudronnée) mais ça côte et devons nous arrêter pour cause de surchauffe. Nous remettons de l'eau et sommes contraints d'établir le camp juste un peu plus loin. Nous sommes à plus de 3'600m. En regardant le GPS pendant la soirée, nous nous rendons compte que nous nous sommes trompés de route et que ce c... nous indique d'aller faire demi-tour 50km plus loin. L'embranchement de la route pour Atocha qui est une piste se trouve en fait entre le péage et le contrôle militaire, ce qui nous a mis dedans, et ensuite nous avons laissé de côté la carte du GPS pour se concentrer sur le profil d'altitude.

La nuit fut difficile, au réveil nous avons les deux mal à la tête à cause de l'altitude. Comme nous devons retourner à Tupiza (3'000m), nous décidons d'y rester la journée pour s'acclimater. De retour dans cette petite ville, nous profitons pour faire quelques courses mais ici point de supermarché. Nous faisons alors les petits marchés et leurs différents stands pour trouver nos victuailles.


Le marché à Tupiza

Nous trouvons tout ce dont nous avons besoin à très bon prix. Il y a cette fois une réelle différence du coût de la vie par rapport à l'Argentine et au Chili. Nous passons le reste de la journée à s'occuper au bus, à revoir nos itinéraires car la mécanique a de la peine avec l'altitude et à se reposer.

Le lendemain, nous prenons la bonne piste (cette fois!) pour Atocha que nous avions loupée l'avant-veille. Nous passons dans des hameaux de maisonnettes en terre crue et à travers des cultures à l'ancienne.


Cultures et récoltes encore faites à la main

Un peu après, ça côte beaucoup et, malgré les fréquents arrêts photos (les paysages sont superbes), c'est à nouveau la surchauffe. Lors de cet arrêt pour remettre de l'eau, nous nous apercevons également que nous avons crevé!


Une des côtes, l'altitude atteinte ce jour et notre pneu plat

Les pistes en Bolivie sont en piteux état et mettent bien à mal la mécanique, mais le décor est splendide. Nous voyons le long de la piste des vigognes, un camélidé cousin du lama et du guanaco.


Les vigognes dans leur environnement

Arrivés à Atocha, après s'être traînés sur cette piste en faisant des pointes à 35 km/h, nous nous renseignons pour savoir où est la station-service. On nous indique qu'il faut remonter dans le rio presque à sec pour y aller. Nous sommes un peu perplexes mais voyons d'autres véhicules emprunter ce "chemin". Après quelques kilomètres de remontée, nous trouvons bel et bien la station-service. On nous ressort la même rengaine au sujet du prix mais rétorquons au pompiste que ce prix ne se pratique que vers la frontière pour éviter le tourisme de l'essence et la contrebande et que nous en sommes loin. Il accepte alors de nous faire le plein ainsi que celui de nos jerricans au prix normal. De retour à Atocha, nous passons encore dans une "gomeria" faire réparer notre pneu, ce qui prendra une vingtaine de minutes et nous coûtera 20 bol (moins de 3CHF)! Nous roulons encore un petit moment en direction d'Uyuni avant de nous arrêter sur une piste latérale à la principale.

Samedi 6 avril, surprise le matin, le circuit d'eau potable près du coffre a gelé. Il faut dire qu'à ces altitudes (env. 3'700m), les nuits sont froides; déjà les matins précédents au réveil, les vitres du bus avaient givré pendant la nuit. La journée, le thermomètre reprend l'ascenseur, il y a une grande amplitude thermique sur l'altiplano. Heureusement, nous n'aurons qu'à attendre que ça dégèle, rien n'était cassé. Arrivés à Uyuni, la première station-service ne veut pas nous faire le prix normal puis, après discussion, ne veut pas nous en vendre du tout en argumentant qu'ils ne sont pas autorisés à vendre aux plaques étrangères. Nous arrivons néanmoins à négocier le plein au prix normal du jerrican d'essence pour notre réchaud. Ensuite, en même temps que quelques petits achats, nous mettons la main sur un autocollant du drapeau bolivien pour l'arrière du bus. Avant de partir d'Uyuni, nous passons à la deuxième station-service et, après quelques négociations, ils acceptent de nous faire le prix normal "aujourd'hui mais pas demain"! Au sortir d'Uyuni, nous nous embrillons sur l'ancienne piste (qu'a notre GPS) et tombons sur un spectacle désolant. Tout traîne à ciel ouvert, il n'y a aucun traitement des déchets. Malheureusement, nous verrons ceci partout en Bolivie, il n'y a pas d'infrastructure pour les traiter et rarement de poubelles. Il y a un réel progrès à faire à ce niveau-là avec une société qui commence à consommer. Nous comprenons aussi pourquoi la piste qui mène au Salar, empruntée par tous les touristes, a changé de tracé.


L'envers du décor à Uyuni

Nous n'avons également que rarement rencontré de WC (et ceux qui existent, il faut vraiment avoir besoin! Nous vous épargnons la photo!), tout le monde se soulage où il peut... Egalement un gros progrès à faire à ce niveau-là! Nous nous réorientons sur la nouvelle piste, direction Colchani, une des portes d'entrée du Salar, désert de sel résultant de l'évaporation d'un lac il y a des milliers d'années. Peu avant ce village, nous voyons un camping-car avec des plaques françaises stationné au bord de la route. Nous nous arrêtons vers eux. Il s'agit d'une famille avec deux petits enfants qui voyagent une année en Amérique du Sud. Nous partons ensemble dans le Salar.


L'entrée sur le Salar et la récolte du sel


Sur la croûte de sel

Ca roule bien sur cette croûte, nous arrivons en fin d'après-midi vers une des îles de ce désert, Incahuasi (maison de l'Inca en quechua). Eux visitent l'île (30 bol/pers) et nous nous installons en périphérie.


Incahuasi

Lorsqu'ils nous rejoignent, nous avions décidé de passer la nuit sur place, une petite moto avec deux gaillards dessus viennent nous dire que nous ne pouvons pas rester là! En fait, ils veulent que nous payions comme pour une visite sur l'île. Après d'âpres négociations, nous arrivons à payer moitié-prix et convenons avec eux que la visite de l'île le lendemain est comprise. Nous passons ensuite une partie de la soirée dans le camping-car des Français, avant de manger et de nous coucher.

Une fois réveillés, nous partons visiter la fameuse île négociée la veille. La vue depuis l'île est imprenable, ça valait la peine de s'y balader.


Sur Incahuasi, ses visiteurs et son arc de corail

Nous partons ensuite vers une autre île, Pescador, beaucoup moins visitée mais d'aspect un peu semblable. Nous passons un petit moment dessus.


L'île Pescador

Puis, après avoir rempli notre salière au vu de la quantité à disposition, nous mettons le cap au nord où nous voulons sortir du Salar. Il s'agit malgré tout de trouver son chemin, certaines pistes se perdant par endroits (où le sel est plus dur) ou prenant d'autres directions. Après un bon travail d'orientation, nous trouvons une piste menant à un village où il y a une rampe de sortie. En effet, il n'est pas possible de sortir partout, les bords pouvant être meubles. Nous avons entendu parler de plusieurs voyageurs restés enlisés plusieurs jours!


La sortie du désert à Tahua

Nous nous engageons sur la piste qui contourne le volcan Tunupa (env. 5400m), qui nous a servi de point de repère dans le Salar. La vue sur le volcan est magnifique et nous voyons un peu partout des champs de quinoa prêts à être récoltés ou en cours de récolte. Il y en a de toutes les couleurs, jaune, rouge ou brun très foncé, presque noir.


Le Tunupa et les champs de quinoa

Nous arrivons après un moment à Salinas où on ne veut pas nous vendre d'essence. Nous poursuivons en direction de Challapata et nous arrêtons en fin de journée pas très loin de la route.

Le jour suivant, après avoir passé Challapata où on ne veut toujours pas nous vendre d'essence, nous nous arrêtons à un "lavadero" pour éliminer le sel accumulé partout sur le bus.


Les restes du Salar sur Lucy

Nous allons ensuite à Oruro (env. 260'000 hab.). Les stations-service à l'entrée de la ville ne nous proposent que le tarif "extranjeros". En repartant de cette grande ville, nous trouvons enfin une station qui nous fait le prix normal puis mettons le cap vers des bains thermaux, les Termas de Obrajes. Au parking, nous entendons un petit "pffffff" en passant à côté du bus. C'est la deuxième crevaison en Bolivie. Nous laissons ce petit problème de côté pour l'instant et allons nous baigner. Il y a un grand bassin public en plein air entouré de petits bassins fermés où coule de l'eau thermale en permanence. Tout ça pour 15 bol (2CHF)! Ca nous fait beaucoup de bien, nous n'avions pas vu de baignoire depuis notre départ de Suisse! Et là nous avons un petit bassin de 2x3m rien que pour nous avec de l'eau thermale bien chaude en prime! En sortant des bains, nous disons au personnel qu'avec le changement de roue il sera trop tard pour repartir et que nous aimerions dormir sur place. Il n'y a pas de problème pour eux.

Après une bonne nuit de repos, première étape du jour, s'arrêter sur la route à Caracollo faire réparer le pneu dans une "gomeria". Cela nous coûte encore moins cher que la dernière fois, 10 bol (< 1.50 CHF)!


A la gomeria

Seconde étape du jour, passer l'épreuve de La Paz, capitale tentaculaire et escarpée de la Bolivie. Nous avons mis 5 heures pour la traverser en restant près d'une heure sur place sans avancer. C'est le capharnaüm complet. Nous avons dû slalomer entre les stands de toutes sortes, les piétons, les "colectivos" (minibus ressemblant à Lucy mais avec des sièges) chargeant et déchargeant des clients n'importe où. Et là au milieu, des flics impuissants essaient de gérer le trafic au moyen de coups de sifflet dans le vide! Nous n'avons pas réussi à prendre des photos, il fallait rester trop attentifs à tout ce qui se passait de tous les côtés... A un moment donné, nous n'étions pas dans le bon sens sur une grande artère complètement engorgée, ce qui nous a contraints à devoir faire un tourner-sur-route à un carrefour. Visiblement, bien qu'il n'y ait pas de règle de circulation, ce demi-tour n'était pas autorisé et nous nous sommes retrouvés avec un policier courant derrière le bus dans les embouteillages. Il nous a fallu une demie-heure d'explications en lui disant que nous sommes perdus, avant qu'il ne nous rende la copie du permis et qu'il n'abandonne l'idée de nous emmener au poste (certainement impossible de s'y rendre avec cette circulation). Nous arrivons finalement de nuit à l'hôtel Oberland qui a une aire de stationnement pour voyageurs de notre genre. Nous y rencontrons des Suisses, des Anglais, des Hollandais, des Allemands et des Américains. Bref, presque tous les voyageurs en indépendant en Bolivie à ce moment-là!

Nous consacrons la journée suivante à nettoyer et ranger le bus ainsi qu'à faire la lessive. Nous faisons juste un petit saut dans cette banlieue faire quelques petits achats.


Le parking de l'hôtel Oberland

Le lendemain, comme nous sommes obligés de retraverser La Paz pour en resortir avant de prendre la direction du lac Titicaca, nous avons décidé de partir très tôt pour éviter la circulation et les heures chaudes car ça côte beaucoup. Nous craignons la surchauffe moteur et de devoir s'arrêter en plein milieu de ce boxon. L'idée s'avère lumineuse, il n'y a pas trop de circulation, les stands n'ont pas encore tous ouverts et nous ne surchauffons pas. Il nous faut néanmoins près de deux heures pour sortir de cette métropole.


Une partie de La Paz au petit matin


La vue sur la cordillère Real une fois sortis de La Paz

Nous souhaitions sortir de Bolivie par la douane de Copacabana, située sur une île du Titicaca et dont l'accès se fait par ferry, mais la route y menant est fermée depuis près de deux semaines pour cause de manifestations. Il semble que l'origine du conflit soit le projet de construction d'un pont pour remplacer le ferry. Nous sommes dès lors contraints de passer par une douane plus au sud du lac, celle de Desaguadero. D'après notre guide, elle est moins fréquentée mais semble avoir mauvaise réputation. Après un petit moment, nous arrivons par la côte sud sur le Titicaca.


Le Titicaca côté bolivien

Nous devons faire le plein et par la même occasion profiter du prix avantageux de l'essence par rapport au Pérou mais aucune station jusqu'à la frontière ne veut nous servir en tant qu'étrangers. Heureusement que nous avions encore deux jerricans à mettre dans le réservoir. Avant la douane, il y a encore un ultime contrôle de la police bolivienne où on nous réclame 10 bol pour faire un tampon de sortie sur le papier d'importation du véhicule. Quand Benj demande de faire une facture, comme par enchantement, il n'y a plus rien à payer! Arrivés à la douane de Desaguadero, du côté bolivien, il y a une petite file mais les coups de tampon dans les passeports sont donnés très rapidement. Pour les papiers du véhicule, il n'y a pas de file, le douanier est très sympa, ça change pour une fois! Il reconnaît même la signature de la personne qui nous a fait le papier d'importation à l'entrée et tamponne rapidement le CPD. Nous pouvons sortir de Bolivie sans encombre.



Suite au prochain épisode! Martinique, le 28.05.2013